One day, when I was in Taiwan, I was told these words:
"妳的眼睛跟亞洲人真的不一樣。”
I laughed at the absurdity of those words.
“Your eyes are very different from Asian people’s eyes.”
Of course, they are. I’m not Asian; I’m white, so of course my eyes are like White people’s! I laughed. Such a clever joke, I thought. But his face was serious, and he was almost never serious. So I laughed at the absurdity of these words.
Then, I went home and realized these words had nothing absurd and were the most significant I had been told in a while. I had just finished brushing my teeth when I looked at myself in the mirror and discovered what seemed like a whole new face. Just then, I realized there was something so weird about my reflection.
La personne du miroir avait des yeux noisette, aux paupières étrangement creuses. C’était des paupières qui, les yeux grands ouverts, ne semblaient pas si bizarres mais qui, en fait, rentraient curieusement à l’intérieur de l’œil, suivant la courbe de l’orbite au pied de l’arcade sourcilière. C’était d’un absurde fascinant. Si creux, les yeux, qu’ils formaient monts et vallées!
Mais l’étrangeté ne s’arrêtait pas là. Il y avait aussi le nez. Le nez qui était si 高, comme disait les taïwanais: il était si grand à la hauteur des yeux, il semblait éclairer le paysage de mon visage tel un phare et, droit, tout droit il continuait en une base très mince.
Autre détail bizarre: la peau était très blanche. Trop blanche. Comme les nuages dans le ciel de l’aurore quand la pluie est à l’horizon. Et la peau comportait également d’autres difformités: elle était parsemée de petits picots bruns, bruns pâle ou foncés, tirant parfois sur l’orangé. Bizarre que ces taches de visage… Taches de rousseur, pourquoi êtes-vous couronnées d’une masse de cheveux châtains ondulés ? Où se trouve le roux de votre nom, chères taches de rousseur? Seulement dans la blancheur de ces traits, on dirait… Blancheur noisette au grand nez rectiligne et aux yeux pénétrants.
Quelle drôle de sensation que celle de cette soirée-là! I felt like such a stranger to myself. I suddenly understood why other people’s eyes often followed me in public: my face was such an interesting thing to look at!
Soudainement, on aurait dit que je regardais mes traits avec des yeux taïwanais. Je savais désormais ce qui attirait les regards autour de moi et, qu’en général, on pensait qu’une certaine beauté s’en dégageait, comme des myriades d’阿姨 ne manquaient pas de me le mentionner: “妳很漂亮、妳的皮膚很白。”
Je me disais donc que, certainement, ces traits étranges avaient quelque chose de joli, en plus d’être intéressants à regarder, d’un point vue scientifique, vu leur illogisme. Cependant, chaque parcelle de mon visage me semblait si étrangement étrangère que je crus réellement me voir pour la toute première fois.
J’étais si blanche, des pieds à la tête, frisée et châtaine. J’étais si blanche, que j’en éprouvais presque du dédain, comme si mon corps ne m’appartenait point.
Étais-je devenue à ce point intégrée à ma nouvelle contrée et à ma famille d’accueil que j’en avais oublié jusqu’à la couleur de ma peau et la forme de mes yeux ? Celles-ci ne collaient certainement pas avec la perception que j’avais développée de moi-même. J’étais devenue une étrangère à mes yeux.